VATICAN đŸ‡»đŸ‡Š (NEWS) : au SAHEL, le trafic de drogue alimente davantage l’instabilitĂ©

Entretien rĂ©alisĂ© par Myriam Sandouno – CitĂ© du Vatican


Dans cette rĂ©gion oĂč persistent la violence et les attaques terroristes, les saisies de drogue ont grimpĂ© en flĂšche. Selon un rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et la criminalitĂ© rendu public en avril dernier, en 2022, 1.466 kg de cocaĂŻne ont Ă©tĂ© saisis au Mali, au Tchad, au Burkina Faso et au Niger, contre une moyenne de 13 kg entre 2013 et 2020.

Seidik Abba, spécialiste du Sahel, appelle les organisations sous-régionales à se pencher sur cette question.

Les rĂ©seaux de trafic de drogue continuent de prospĂ©rer dans le Sahel, rĂ©gion de transit, mais aussi de consommation de stupĂ©fiants. La cocaĂŻne reste la drogue la plus saisie dans le Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad), aprĂšs la rĂ©sine de cannabis, comme l’indique le rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et la criminalitĂ©. En 2022, 1.466 kg de cocaĂŻne ont Ă©tĂ© saisis au Mali, au Tchad, au Burkina Faso et au Niger, contre une moyenne de 13 kg entre 2013 et 2020. Tous ces pays ont connu des coups d’État et les attaques terroristes s’y multiplient. En effet vendredi 7 juin dernier, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les rĂ©fugiĂ©s (HCR) avait appelĂ© Ă  «une action internationale immĂ©diate» pour empĂȘcher de nouveaux dĂ©placements forcĂ©s de civils au Sahel. Dans ce trafic de drogue selon l’ONU, des groupes armĂ©s criminels, jihadistes, ou alliĂ©s des rĂ©gimes en place sont impliquĂ©s Ă  divers degrĂ©s.

Et comme le souligne Seidik Abba, spĂ©cialiste du Sahel et prĂ©sident du Centre international de rĂ©flexions et d’études sur le Sahel , «ces trafiquants-lĂ  auraient orientĂ© leur chemin de la drogue en utilisant particuliĂšrement certains Ă©tats cĂŽtiers de cette partie qui sont vulnĂ©rables». Il Ă©voque notamment la GuinĂ©e-Bissau, le Cap-Vert, oĂč «des quantitĂ©s de drogue sont soit dĂ©barquĂ©es par les moyens aĂ©riens, soit par des voies maritimes». Cette drogue «est ensuite convoyĂ©e vers les pays du Sahel particuliĂšrement, et elle remonte par le Maghreb pour aller en Europe. Cette activitĂ© criminelle rapporte beaucoup d’argent: c’est souvent des chiffres Ă  milliards de francs» affirme-t-il dans une interview accordĂ©e aux mĂ©dias du Vatican. 

À qui profite le plus ce trafic de drogue dans le Sahel?

Le trafic profite plus aux cartels de la drogue, qui ne sont malheureusement pas africains. En rĂ©alitĂ©, ce que perçoivent les intermĂ©diaires africains, ne reprĂ©sentent pas 10% de ce que cette drogue rapporte. Les patrons de ce cartel sont installĂ©s, soit hors de l’Afrique, Ă  DubaĂŻ, ou dans les pays d’AmĂ©rique latine, c’est Ă  eux que la drogue profite vĂ©ritablement. Pour les djihadistes, ce pacha de la drogue prĂ©sente un intĂ©rĂȘt. Parce que s’ils Ă©taient cohĂ©rents, ils auraient interdit carrĂ©ment le trafic de drogue au nom de la religion qu’ils dĂ©fendent. Mais comme ils s’en servent, ils ont donc trouvĂ© cette formule de pouvoir percevoir des taxes sur la drogue. Et cette taxe-lĂ  est utilisĂ©e justement dans les activitĂ©s terroristes pour faire du recrutement, pour acquĂ©rir des armes ou parfois mĂȘme pour acheter la paix des populations.

Justement, parlons d’elle. Quel est l’impact de ce trafic aujourd’hui sur les populations?

Il y a un impact sanitaire important, puisque la drogue a commencĂ© Ă  ĂȘtre consommĂ©e, avec des cas de psychiatrie. Beaucoup de gens qui fument cette drogue finissent par devenir des cas de psychiatrie. Or, on n’a pas dans nos pays une capacitĂ© de prise en charge de cas de psychiatrie, assez importante.

Et quand la drogue circule, il y a souvent des bagarres entre les circuits pour la contrÎler. Parce que, par exemple, le convoyage de la drogue a favorisé le fait que soient constitués des groupes. Et souvent, il y a des rivalités qui peuvent dégénérer, qui peuvent apporter des rÚglements de compte entre les différents groupes. Et puis, ça peut créer des situations.

Les rĂ©seaux de ce trafic de drogue alimentent davantage l’instabilitĂ©, vous l’avez dit, dans les pays du Sahel. Quels sont les efforts fournis aujourd’hui par les autoritĂ©s de ces pays pour combattre ce trafic? Est-ce qu’il y a une coopĂ©ration rĂ©gionale entre les Ă©tats du Sahel pour lutter contre cela?

On a remarquĂ© que les pays ont quand mĂȘme Ă©tĂ© un peu surpris. Ils n’avaient pas prĂ©vu de lĂ©gislation adĂ©quate pour y lutter. Donc depuis un moment, on constate que les pays ont commencĂ© Ă  adopter des lĂ©gislations pour lutter justement contre le phĂ©nomĂšne, et Ă  crĂ©er des structures spĂ©cialement dĂ©diĂ©es. Et on voit qu’il y a aujourd’hui un dĂ©but de coopĂ©ration transfrontaliĂšre entre les pays.

Mais il n’y a malheureusement pas de structures de coordination Ă  l’Ă©chelle de la sous-rĂ©gion ou Ă  l’Ă©chelle de plusieurs pays qui permettent justement de partager des informations. La lutte contre le trafic de drogue doit reposer quand mĂȘme sur le renseignement en amont. DĂšs que les trafiquants, par exemple, chargent cette drogue d’oĂč ils partent, on doit pouvoir savoir qu’ils sont partis et pouvoir les intercepter. Ce qui serait intĂ©ressant, c’est que des organisations sous-rĂ©gionales comme la CEDEAO (CommunautĂ© Ă©conomique des États de l’Afrique de l’Ouest), comme l’UEMOA (Union Ă©conomique et monĂ©taire ouest-africaine) qui associent des pays francophones, anglophones, lusophones, puissent prendre en charge le dossier et qu’on mette en place une structure.

Est-ce qu’on perçoit dans cette situation, un signe d’implication de la communautĂ© internationale?

La communautĂ© internationale, pour l’instant, ne montre pas un engagement trĂšs fort pour venir en aide au pays du Sahel, alors que les trafiquants en rĂ©alitĂ©, le Sahel les intĂ©resse comme territoire de transit. Les Nations unies ont une antenne de l’UNDC qui est chargĂ© de lutte contre la drogue Ă  Dakar, pour couvrir la sous-rĂ©gion. Ils font de temps en temps des formations, mais ce n’est pas Ă  la hauteur du dĂ©fi qui se pose aujourd’hui Ă  ces pays du Sahel qui ont d’autres urgences et qui n’ont pas assez de ressources. L’intĂ©rĂȘt des trafiquants, c’est que ces pays ne puissent pas lutter vĂ©ritablement contre la drogue.

Entretien avec . Seidik Abba, spĂ©cialiste du Sahel et prĂ©sident du Centre international de rĂ©flexions et d’études sur le Sahel

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