FRANCE đŸ‡«đŸ‡· (DOD de la DNRED de la Douane Française) : le procĂšs d’une dĂ©rive devenue systĂšme reprend ce lundi 16 mai 2022

Pendant des années, des hauts responsables douaniers se sont appuyés sur un de leurs informateurs pour monter des opérations de toutes piÚces et réaliser de belles saisies. Un scandale jugé à partir du lundi 9 mai à Paris.

par Emmanuel Fansten avec des ajouts de Marc Fievet

L’intĂ©gralitĂ© de l’article

A partir du lundi, bien que la DG de la Douane ait publié un communiqué informant que les poursuivis dans cette affaire étaient des agents ou des ex-agents de la Douane, ce sont bien six douaniers de haut rang qui ont commencé à comparaßtre devant le tribunal correctionnel de Paris pour «escroquerie en bande organisée», «importation de marchandise contrefaite», «détournement de fonds publics», «faux et usage de faux», «destruction de preuves» et «compromission du secret de la défense nationale».

Ces anciens cadres de la prestigieuse Direction nationale du renseignement et des enquĂȘtes douaniĂšres (DNRED) sont soupçonnĂ©s, Ă  des degrĂ©s divers, d’avoir montĂ© des affaires de toutes piĂšces avec l’aide d’un de leurs principaux informateurs, dans le seul but de rĂ©aliser des belles saisies et de se faire briller. «La convergence d’intĂ©rĂȘts entre des organisations criminelles et la hiĂ©rarchie douaniĂšre a conduit Ă  un dĂ©voiement des procĂ©dures dans un intĂ©rĂȘt purement statistique», souligne la juge d’instruction Aude Buresi dans son ordonnance de renvoi. Une affaire emblĂ©matique des aberrations de la politique du chiffre. Car avant de devenir un scandale retentissant, qui a Ă©branlĂ© un des principaux services de renseignement français, la saisie Ă  l’origine de ce procĂšs a d’abord Ă©tĂ© saluĂ©e comme un franc succĂšs en haut lieu.

«Donneur d’ordre et logisticien»

EXTRAIT

Des Ă©quipes de douaniers sont mĂȘme rĂ©quisitionnĂ©es pour escorter les cargaisons de Zoran Petrovic jusqu’à leur destination finale. Au cours de ces opĂ©rations clandestines, les agents reçoivent l’ordre de couper leurs portables et d’utiliser des tĂ©lĂ©phones d’emprunt.

«Banalité du phénomÚne de corruption»

EXTRAIT

En dehors de ses rĂ©munĂ©rations officielles, Zoran Petrovic est surtout autorisĂ© Ă  importer ses propres marchandises en quantitĂ© astronomique. Pour chaque conteneur saisi, un, deux, voire trois autres passent sans ĂȘtre contrĂŽlĂ©s. En contrepartie de l’affaire des 43 tonnes de cafĂ© contrefait, par exemple, l’aviseur a pu acheminer pour son compte environ 70 tonnes de tabac de contrebande, selon l’ordonnance de renvoi.

AprĂšs la mise Ă  l’écart prĂ©cipitĂ©e de «Z», les chiffres de la douane en matiĂšre de contrefaçons ont chutĂ© de plus des deux tiers.

«L’aviseur a pris le pouvoir»

EXTRAIT

Les investigations ont d’ailleurs permis d’établir que l’ascension vertigineuse de l’indic avait Ă©tĂ© favorisĂ©e par l’ancien patron de la DOD Paris, Vincent SauvalĂšre. C’est lui qui a personnellement recrutĂ© cette source en 2009. Lui, ensuite, qui a court-circuitĂ© les «rĂšgles de sĂ©curité» pour maintenir son activitĂ© malgrĂ© son inscription sur liste noire. Lui, enfin, qui a tout fait pour dissimuler son rĂŽle Ă  l’administration, puis Ă  la justice, en l’enregistrant sous diffĂ©rents alias.

Lorsque le chef de la DOD Paris quitte son poste en 2014 pour rejoindre l’Office europĂ©en de lutte antifraude (Olaf), Ă  Bruxelles, son successeur, Erwan Guilmin, va lui aussi tout faire pour maintenir ce systĂšme Ă  flot, profitant Ă  son tour des saisies mirobolantes permises par Zoran Petrovic.

Officiellement, Erwan Guilmin n’aurait jamais eu connaissance de son inscription sur liste noire et aurait dĂ©couvert l’ampleur des dysfonctionnements qu’a posteriori, aprĂšs les perquisitions. Mais un document saisi par les enquĂȘteurs met Ă  mal cette dĂ©fense et Ă©largit le dossier Ă  de nouvelles infractions.

Note caviardée

DĂ©but 2016, le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la DNRED, SĂ©bastien M., est sommĂ© par la justice de transmettre les Ă©lĂ©ments sur Zoran Petrovic. Il rĂ©dige alors une note classifiĂ©e confirmant son inscription sur liste noire. Mais alors que ce document doit ĂȘtre remis en mains propres au sous-directeur juridique, Erwan Guilmin exige qu’on le lui transmette d’abord. Le fonctionnaire s’exĂ©cute. Mais quelques mois plus tard, lors de la dĂ©classification de cette note dans le cadre de l’enquĂȘte administrative, SĂ©bastien M. s’aperçoit qu’elle a Ă©tĂ© caviardĂ©e : l’inscription sur liste noire a disparu.

«Erwan Guilmin a sciemment altĂ©rĂ© un document classifiĂ© secret-dĂ©fense dissimulant ainsi le statut de Zoran Petrovic Ă  sa hiĂ©rarchie et, in fine, Ă  la justice», Ă©pingle le rapport de l’inspection des douanes. Des faits qui valent Ă  l’ancien cadre d’ĂȘtre Ă©galement renvoyĂ© pour «compromission du secret de la dĂ©fense nationale».

ContactĂ©s, les avocats d’Erwan Guilmin et de Vincent SauvalĂšre n’ont pas rĂ©pondu aux sollicitations d’Emmanuel Fansten de LibĂ©ration.

De proche en proche, le scandale a fini par contaminer la hiĂ©rarchie douaniĂšre jusqu’à son sommet.

Jean-Paul Garcia

L’ancien patron de la DNRED lui-mĂȘme, Jean-Paul Garcia, devra s’expliquer Ă  la barre sur son rĂŽle dans cet Ă©trange systĂšme. Et justifier pourquoi, lorsqu’un magistrat l’a interrogĂ© dĂšs 2014 sur Zoran Petrovic dans le cadre d’une autre enquĂȘte, il a affirmĂ© que cet aviseur Ă©tait «favorablement connu de la DNRED».

Selon la juge Aude Buresi, Garcia est restĂ© «sourd aux multiples alertes» et a «manifestement failli dans ses missions», faisant preuve d’une «dĂ©sinvolture incomprĂ©hensible». Il sera jugĂ© pour «dĂ©tournement de fonds publics par nĂ©gligence».

Une qualification intenable pour son avocat, Patrick Tabet, qui rappelle que son client «ne gĂ©rait pas les aviseurs et n’a jamais Ă©tĂ© chargĂ© de l’opĂ©rationnel».

La réaction de Marc Fievet

Connaissant Jean Paul Garcia depuis plus de 30 ans, je n’imagine pas qu’il est pu s’aventurer dans ce genre de dĂ©lire que la justice lui reproche. Il Ă©tait le Boss de la DNRED et n’avait absolument aucun intĂ©rĂȘt Ă  participer Ă  ce type de magouilles que seuls ceux qui voulaient ce poste prestigieux ont mis en place pour s’auto-promouvoir. Le seul reproche Ă  faire Ă  Jean Paul Garcia, c’est qu’il faisait confiance Ă  ses directeurs sans contrĂŽler toutes les opĂ©rations que ces derniers organisaient.

Dans ce cas, il faudrait juger aussi les ex DG JĂ©rome Fournel, aujourd’hui ‘Directeur gĂ©nĂ©ral de la Direction gĂ©nĂ©rale des Finances publiques’ et HĂ©lĂšne Crocquevielle, aujourd’hui ‘Chef du CGEFI (ContrĂŽle GĂ©nĂ©ral Économique et Financier)’ pour perte de fonds publics par nĂ©gligence et incompĂ©tence dans la gestion du renouvellement de la flotte aĂ©ronavale de la douane.

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Sans attendre l’issue judiciaire du procĂšs, dont les protagonistes sont toujours prĂ©sumĂ©s innocents, le rapport administratif diligentĂ© par la direction de la DNRED a d’ores et dĂ©jĂ  conclu Ă  «des dysfonctionnements majeurs dĂ©gradant fortement et durablement l’image et le renom de l’administration des douanes».

Le procĂšs doit durer cinq semaines et les audiences se tiennent seulement le lundi, mardi et mercredi.

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