LâenquĂȘte de Thomas Saintourens Ă lire dans le Monde confirme que les cartels latino-amĂ©ricains prospĂšrent autour des grands ports europĂ©ens. Pour rĂ©gner sur ce marchĂ© florissant, ils nâhĂ©sitent pas Ă nouer des alliances avec des groupes criminels locaux et Ă imaginer des procĂ©dĂ©s chimiques qui rendent la cocaĂŻne indĂ©tectable.
Et pourtant, le sucre Ă©tait arrivĂ© Ă bon port⊠Vingt-deux tonnes au total, rĂ©parties dans 900 sacs, dĂ©barquĂ©es au Havre (Seine-Maritime) le 14 avril 2022, parmi diverses marchandises en provenance dâAmĂ©rique du Sud.
Trois semaines plus tard,cette livraison a priori anodine est saisie dans le Val-de-Marne, aprĂšs des investigations menĂ©es par les policiers de lâOffice anti-stupĂ©fiants et par le service dâenquĂȘtes judiciaires des finances.Huit ressortissants colombiens sont arrĂȘtĂ©s, puis incarcĂ©rĂ©s. Parmi eux, un certain Adalberto Patiño Pareja. ConsidĂ©rĂ© comme un cadre dâune organisation criminelle basĂ©e Ă Tulua, en Colombie, cet homme de 62 ans est un as de la chimie. Il avait fait le voyage en Europe avec son fils et plusieurs de ses compatriotes pour procĂ©der aux opĂ©rations de filtrage et laisser ensuite la drogue Ă des trafiquants français.
A ce jour, lâenquĂȘte nâa pas permis de dĂ©couvrir du matĂ©riel ni un laboratoire Ă©quipĂ©. Mais ce modus operandi confirme le constat dressĂ©, ces derniers mois, par les analystes dâEuropol : les membres des cartels sud-amĂ©ricains sont de plus en plus prĂ©sents sur le sol europĂ©en. Il peut sâagir dâĂ©missaires chargĂ©s de nĂ©gocier une opĂ©ration, de « courtiers », de blanchisseurs, plus souvent de petites mains, des ombres qui apparaissent au fil des dossiers. Le plus souvent, on ne connaĂźt dâeux quâun pseudonyme. Dans les conversations interceptĂ©es, leurs correspondants europĂ©ens les dĂ©signent comme « le Colombien », « le Mexicain », voire « le Tacos » ou « le Sombrero ».
Lâun dâeux, surnommĂ© « Beto », apparaĂźt dans une affaire qui remonte au 13 mai 2018. Ce jour-lĂ , cet homme envoyĂ© en Europe par un cartel de CarthagĂšne (Colombie) ignore que la voiture oĂč il se trouve a Ă©tĂ© « sonorisĂ©e » par la police. A ses cĂŽtĂ©s, Sofiane B., 39 ans, un trafiquant français aujourdâhui incarcĂ©rĂ©. Ce caĂŻd du trafic â on le surnomme « le Mozart des stups » â nâest guĂšre Ă lâaise en espagnol, mais lâaccueil quâil rĂ©serve au Colombien est empreint de dĂ©fĂ©rence et trahit lâimportance du moment. Lâobjectif est de sĂ©curiser les approvisionnements de cocaĂŻne dans le port du Havre, la principale voie dâaccĂšs de cette drogue en France. Huit mois auparavant, « Mozart » sâest lui-mĂȘme rendu au Mexique, avant de rallier le Panama et de pousser jusquâĂ Cali, en Colombie.
PubliĂ© aujourdâhui Ă 06h30
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Le point de vue de Marc Fievet
Ăa fait plus de 30 ans que je tente d’alerter l’ensemble des autoritĂ©s rĂ©galiennes de ce flĂ©au.
Les ramifications, contacts et autres moyens utilisĂ©s par les narcos intĂ©ressent plus qu’hier les journalistes avant tout intĂ©ressĂ©s par le Buzz mĂ©diatique ainsi rĂ©coltĂ©.
A l’Ă©poque, j’avais l’oreille du ministre Michel Charasse en poste Ă Bercy, mais j’ai constatĂ© la trĂšs grande frilositĂ© de Jean Dominique Comolli, le DG de la Douane de l’Ă©poque, qui n’avait que faire des mĂ©thodes efficaces proposĂ©es.
Aujourd’hui, en France, nos rĂ©galiennes dĂ©diĂ©es Ă cette lutte tapent un peu moins de dix pour cent du trafic supposĂ© alimenter le marchĂ©, et les dĂ©cideurs des Ă©tages supĂ©rieurs de Bercy, Montreuil et de Beauvau refusent toujours d’installer des moyens de contrĂŽles performants qui existent.
NARCOTRAFIC MARITIME : comment inspecter de prÚs les marchandises et les conteneurs avec précision?
En France, les contrĂŽles alĂ©atoires sont tellement rares que la sĂ©curitĂ© est remise en cause et nos savants continuent de rĂ©flĂ©chir et de se refiler le dossier de ministĂšres en ministĂšres puis de services en services pour savoir si lâon va Ă©quiper nos ports de systĂšmes performants de contrĂŽles qui existent !
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