AFRICA (Coke en stock – CCCXII): retour en Guinée Bissau …

Comme promis précédemment, on quitte quelques jours le Brésil. En juin dernier c’est un véritable coup de tonnerre qu’a provoqué un article de presse en Côte d’Ivoire.

Paru dans Vice, avec un titre de mauvais goût et bien trop provocateur le desservant, il mettait en cause une très haute personnalité du pays et accusait toute une industrie locale, celle de la musique, de blanchiment. Un article hélas critiquable (1) et qui me semble insuffisant, laissant de côté des pans entiers de l’histoire du trafic dans la région, mais qui reposait bien sur des faits intangibles : le trafic de cocaïne à bien rongé le pays, alors qu’il y a quelques années encore c’était son voisin la Guinée et son « prolongement » géographique la Guinée-Bissau surtout que l’on montrait du doigt comme mauvais exemple. La côte tournée vers l’Ouest davantage que le côté Sud de la zone.

Visite guidée de la région …En 2012, rien ne laissait prévoir en effet la conclusion actuelle  de nos deux journalistes provocateurs.

Dans son long panorama du trafic de cocaïne en Afrique de l’ouest Georges Berghezan (lire ici) du GRIP avait affirmé que le pays échappait alors au désastre… mais il avait semble-t-il quand même pressenti que ça pouvait changer dans les temps à venir :  « si les nombreuses années d’instabilité, couplées à une politique de sanctions et de surveillance inter- nationales, ont pu mettre la Côte d’Ivoire à l’abri du gros trafic international, il est encore trop tôt, d’une part, pour savoir si l’intérêt des narcotrafiquants pour le pays est en train de croître et, d’autre part, pour évaluer la politique du nouveau gouvernement en matière de lutte contre la drogue ». Le pays, alors quelque peu immunisé, semble donc avoir beaucoup changé depuis.

La Guinée-Bissau avant la Côte d’Ivoire

A l’époque, l’accent était plutôt mis sur la Guinée-Bissau, et son régime de colonels narcos (à droite Antonio Indjai, qui avait évincé José Zamora Induta) , mais aussi et déjà la présence d’européens sur place faisant la navette, déjà, avec le Portugal, notamment avec un Cessna 402 bien répertorié. appartenant à une entreprise particulière, lié à l’affaire du Boeing retrouvé incendié au Mali et qui aurait amené à plusieurs reprises plus de 6 tonnes de coke d’un coup (on a suggéré 10 tonnes laissa semble excessif). On recherche alors son propriétaire : « qu’est devenu Ibrahima Gueye ces derniers temps est une bonne question, car personne ne sait vraiment. Il n’est plus venu au Mali depuis plusieurs mois. Ce qui lui est reproché est d’avoir affrété au moins le boeing de Tarkint et d’avoir en partenariat avec Eric Vernay (en fait Vernet) et Ben Hako, inculpés depuis mars dernier, d’avoir fait poser des avions sans autorisation au Mali. En particulier, un petit bimoteur de 6 à 10 places, un Cessna 402 C, immatriculé J5-GTA (ici à Evora au Portugal le 18 septembre 2009) que la presse donne pour familier au Mali. Rien d’étonnant sauf que les célèbres « spotters » que sont Tiago Palla et Jaoo Mellim ont plusieurs fois photographié le même coucou avec le même numéro à l’aérodrome d’Evora, au Portugal en septembre 2009. »

Un Cessna 402 ? Le type d’avion le plus employé par les « Mermoz du trafic de coke »  ??? Voilà qui est extrêmement intéressant !

Un Boeing d’un côté, du même modèle que celui retrouvé en miettes, et de l’autre le prototype même des petits avions ayant traversé l’Atlantique ses dernières années pour amener la cocaïne : serait-on tombé sur le « client parfait », celui capable de tout expliquer à cette déferlante de drogue ? avais-je écrit ailleurs en  2011. L’avion bien cerné, effectuait des rotations suspicieuses puisqu’on l’avait vu successivement au Portugal, au Cap-Vert, en Guinée-Bissau, au Sénégal et au Mali. Et il était du type même que ceux qui tenteront les premier d’apporter de la coke colombienne en Afrique de l’ouest en osant traverser l’Atlantique, une véritable prouesse sur ce type d’appareil (il fallait l’équiper de fûts supplémentaires de carburant en cabine). Et à ce moment-là, une nouveauté dans le trafic de cocaïne !

Les fameux »sacs de ciment » 

Le passage du Cessna 402 en Guinée Bissau avait été perçu comme un transporteur de biens étranges sacs expliqués comme étant des sacs de ciment, le mot codé pour éviter de dire cocaïne. Un bien étrange manège, avec alors des avions faisant la navette en provenance du Cap Vert ou du Sénégal, avait-on noté. « Le Monsieur débarque toujours à Bissau, mais aujourd’hui son arrivée est précédée par celle d’une unité militaire qui s’occupe de l’affaire et assure le transfert, manu militari, du « ciment » vers les véhicules militaires. Le Monsieur vient une fois par semaine dans un bimoteur chargé de sacs de »ciment ». L’opération militaire est régulièrement dirigée par un major récemment promu, homme de confiance d’Antonio Indjai, le nouveau chef de l’armée bissau-guinéenne (ici à droite).

Cet officier a été arrêté, en 2009, dans la région de Jugudul, entre Bissau et Mansoa, accusé de transporter de la drogue. Il n’a jamais été mis en prison ni jugé et garde toute la confiance du chef de l’armée ». Exactement ce qu’on avait décelé lors de l’affaire du Gulfstream débarqué inopinément le 12 juillet 2008 (et mis en vente depuis !).

L’armée de Guinée-Bissau était à la tête du trafic, cela ne faisait aucun doute !

source et plus

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Guinée Bissau : António Indjai, la chute d’un parrain

Article publié le 26 septembre 2014

Putschiste récidiviste recherché par la justice américaine pour complicité de narcotrafic, le chef d’état-major de l’armée bissau-guinéenne était devenu trop encombrant.

Dans les lieux publics de Bissau, on prononçait son nom à voix basse, surtout lorsqu’il s’agissait d’évoquer les nombreux trafics qu’on le soupçonnait de coordonner. De la coupe sauvage de bois au business de la cocaïne, on prêtait au général António Indjai, chef d’état-major de l’armée, un rôle de parrain tropical percevant sa dîme sur chaque cargaison. « L’armée fonctionne de manière collégiale, mais Indjai passait pour le principal organisateur de tous ces trafics », analyse un bon connaisseur du pays.

Et nul, pas même dans la classe politique, ne s’aventurait à défier cet officier balante [l’ethnie la plus importante du pays, très représentée dans l’armée], à l’origine de deux putschs. Le 1er avril 2010, il renversait Carlos Gomes Júnior, le Premier ministre, et se débarrassait de José Zamora Induta, le chef d’état-major, dont il était l’adjoint.

Trois mois plus tard, il était nommé à ce poste clé dans un pays où, depuis l’indépendance, armée et pouvoir entretiennent des relations incestueuses. Il est alors déjà dans le collimateur de Washington, l’ambassade des États-Unis à Dakar ayant estimé que les « actes d’insubordination, d’indiscipline et de mutinerie » attribués à Indjai le rendaient « indigne de diriger les forces armées bissau-guinéennes ».

Les trafics explosent dans l’impunité la plus totale

En avril 2012, au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle, Indjai lance ses troupes hors des casernes et interrompt le processus électoral. Carlos Gomes Júnior, le candidat du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), est forcé de s’exiler, et le pays bascule dans une période d’instabilité dont il mettra deux ans à se relever. Dans les coulisses du régime intérimaire d’union nationale, l’influence du général est plus forte que jamais.

Les trafics explosent dans l’impunité la plus totale, et, pendant que des intermédiaires chinois exportent du bois par cargos entiers, les cartels de la cocaïne bénéficient de complicités au sommet des forces armées.

Le 3 avril 2013, la Drug Enforcement Agency américaine procède à un coup de filet au large des côtes bissau-guinéennes et arrête le contre-amiral Bubo Na Tchuto, ex-chef d’état-major de la marine. Indjai parvient, lui, à éviter le piège. Depuis, il est recherché par la justice new-yorkaise et placé sous mandat d’arrêt international pour avoir accepté de prendre part à une transaction virtuelle destinée à acheminer de la cocaïne aux États-Unis. Même s’il reçoit le soutien de principe du régime de transition, l’accusation est lourde à porter pour un chef d’armée.

Le pays sous perfusion de l’aide internationale

Lors de la double élection de 2014 (présidentielle et législatives), tous les yeux sont rivés sur lui : va-t-il rééditer un coup de force si le « candidat de l’armée », Nuno Gomes Nabiam, son ami de trente ans, ne parvient pas à s’imposer face au PAIGC ? Et laissera-t-il un président entamer une réforme du secteur de la sécurité, que personne n’a jamais osé mettre en oeuvre de peur de mécontenter les casernes ?

Dans l’un des pays les plus pauvres du monde, sous perfusion de l’aide internationale, la réputation d’Indjai ne pouvait qu’indisposer partenaires et bailleurs de fonds, et entraver la marge de manoeuvre du nouveau gouvernement. Le 15 septembre, Indjai a donc été démis de ses fonctions par le président José Mário Vaz, puis remplacé par le général Biague Nantam, un vétéran de la guerre d’indépendance. « Cela fait longtemps que le départ d’Indjai était en discussion, y compris avec lui, témoigne la même source. Reste à savoir quel type de garanties il a obtenu. »

(Par Mehdi Ba – Jeuneafrique.com)

SOURCE: http://www.sen24heures.com/spip.php?article3250

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